Une société sans père ni mari. Les Na de Chine. Pour les anthropologues, la famille et le mariage sont le fondement de toute société. Deux grandes théories s’appuient respectivement sur la filiation et sur l’alliance comme étant à la base des structures sociales. Si on se réfère à la théorie de la descendance, dont Alfred Redcliffe- Brown est la figure la plus représentative, la filiation constitue la donnée essentielle.
Son modèle, « la famille élémentaire », crée trois types de relations sociales : entre parents et enfants, entre frères et sœurs et entre mari et femme comme parents des mêmes enfants. Quant à la théorie de l’alliance, soutenue à la suite de Marcel Mauss par Claude Lévi- Strauss, elle met l’accent sur l’alliance de mariage basée sur l’échange des femmes entre les groupes : « les réseaux transversaux d’alliance ». Dans son livre Une société sans père ni mari.
Les Na de Chine, l’anthropologue Cai Hua présente le cas unique d’une société dont le système de parenté est complètement différent du reste du monde. Les Na, une minorité ethnique d’environ 3. Yunnan, au sud- ouest de la Chine. Agriculteurs dans les montagnes himalayennes, ils cultivent le riz, le blé, l’avoine, le sarrasin, le maïs, le lin, le soja et d’autres légumes.
La première famille humaine consistait en une femme et ses enfants. “La famille patriarcale était totalement inconnue”, écrit Lewis Henry Morgan. Matriarcat antillais : la famille matrifocale, sans père ni mari, où les grand-mères sont cheffes. La Martinique: l’île des enfants sans père. Sans père ni mari est un film réalisé par Cai Hua. Découvrez toutes les informations sur le film Sans père ni mari, les vidéos et les dernières actualités.
Dans la plupart des maisonnées, on file et on tisse le lin et on brasse la bière. Leur religion est un mélange de culte des ancêtres et de bouddhisme tibétain. Entre 1. 98. 5 et 1.
Cai Hua effectua quatre longs séjours dans cinq villages du bassin de Yongning et apprit la langue des Na. Dans son livre, il retrace leur histoire de la dynastie des Qing (1. Le lecteur découvre dans cet ouvrage une société matrilinéaire constituée uniquement de consanguins, sans l’institution du mariage. Sont considérés comme consanguins tous ceux qui partagent le même ancêtre féminin. Ils possèdent traditionnellement le même « os », vecteur des caractères héréditaires. Dans une maisonnée, les relations de base sont celles mère- enfant et frère- sœur. Frères et sœurs de diverses générations vivent ensemble sous le même toit toute leur vie en travaillant et en élevant les enfants des femmes.
Au sein de chaque matrilignée, il existe deux chefs (dabu), un homme et une femme : « le chef masculin s’occupe des affaires extérieures, le chef féminin se charge des affaires intérieures ». Ils partagent l’autorité, ne jouissent pas de privilèges particuliers mais travaillent plus que les autres. Pour être chef, deux conditions sont requises : compétence et impartialité.
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L’autorité découle du mérite personnel et la capacité individuelle prime sur tout. Les ascendants ont le devoir de transmettre aux descendants les connaissances morales et techniques, séparément pour les deux sexes : les femmes pour les filles et les hommes pour les garçons. Dans la société Na, la pratique de la vie sexuelle est libre entre adultes non- consanguins. Marco Polo avait déjà noté cet usage des Na qui permettaient aux visiteurs et aux étrangers d’avoir des relations sexuelles avec les femmes si elles étaient consentantes. Trois modalités de pratiques sexuelles sont détaillées par Cai Hua : la visite furtive, la visite ostensible et la cohabitation. Traditionnellement, tous les Na pratiquent ce qu’ils appellent la relation d’açia ou visite furtive.
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Matriarcat antillais : la famille matrifocale, sans père ni mari, où les grand-mères sont cheffes de famille. Play, streaming, watch and download Amma : chant d’hommage à la Grand Mère cheffe de clan Moso - Matriarcat sans père ni mari - Chine video (04:06), you can. Achetez Une société sans père ni mari. Les Na de Chine en ligne sur Puf.com, le plus vaste choix des Puf. Expédié sous 48h.
L’expression indique une rencontre galante qui se déroule à l’insu des adultes de la maisonnée. L’homme s’introduit dans la chambre de la femme vers minuit et repart à l’aube afin que personne ne l’aperçoive. Hommes et femmes jouissent d’une égalité totale, chacun(e) ayant le droit d’accepter ou de refuser la relation qui peut durer une ou plusieurs nuits, des semaines ou des mois… Mais une asymétrie existe tout de même entre les partenaires : c’est toujours l’homme qui rend visite à la femme et non l’inverse.
La liberté sexuelle entre non- consanguins est totale et chacun peut avoir plusieurs açia, même au cours d’une nuit. Il est par conséquent facile d’initier ou de mettre un terme à la relation. Dans ce réseau de multi- partenariat, la fidélité n’a pas cours et toute tentative de monopoliser un partenaire est jugée stupide et même honteuse : « le village se moquera [d’eux] pour un bon bout de temps ». Le désir de multiplier les partenaires et celui d’en posséder un seul étant incompatibles, c’est le premier qui prévaut dans l’institution de l’açia.
Dans la visite ostensible ou ouverte, l’homme n’est pas obligé d’éviter les membres de la lignée de la femme. Il existe un privilège sexuel mutuel mais les partenaires continuent tout de même à pratiquer la visite furtive en essayant de ne pas se laisser surprendre. Si le partenaire de la femme arrive, le visiteur est prié de partir. Il n’y a pas de contrainte et la durée de cette relation dépend, encore une fois, des sentiments réciproques. La modalité de la cohabitation implique, elle, que les partenaires passent ensemble non seulement la nuit mais aussi la journée, « partageant le même pot et le même feu », formant ainsi une unité économique.
Il existe toujours un privilège sexuel mutuel dont la transgression est réprimandée seulement si elle est découverte. La cohabitation représente une solution de crise temporaire lorsqu’il manque un membre dans une lignée. Sa fonction - tout comme l’adoption - est celle de pallier à ce manque qui pourrait menacer la survie de la lignée.
La cohabitation a donc pour but la perpétuité de la maisonnée et, en dehors de ce contexte, elle est réprouvée, voire interdite. Comme dans toutes les sociétés, il existe chez les Na la prohibition de l’inceste. Ceux qui sont issus du même ancêtre féminin sont consanguins et la sexualité entre eux est toujours interdite : « Ceux qui mangent dans le même bol et dans la même assiette ne doivent pas s’accoupler ». Tel est le principe d’exclusion sexuelle des consanguins. Le mot “inceste” n’existant pas dans leur vocabulaire, les Na utilisent plutôt des expressions telles que « se conduire comme des animaux » ou « ne pas connaître les règles ». Une particularité étonnante de la prohibition de l’inceste est l’interdiction d’évocation sexuelle.
Par l’intermédiaire de leurs ascendants de même sexe, les enfants, dès l’âge de sept ans, apprennent qu’il ne faut pas parler de sexualité, ni même partager affects ou émotions avec les consanguins de sexe opposé. Il en découle que, dans la maisonnée, garçons et filles ne peuvent pas regarder la télévision ensemble car, à tout moment, une scène romantique pourrait apparaître à l’écran. Il leur est également interdit d’être photographiés ensemble ou de parcourir le même chemin pendant la nuit.
La consanguinité constitue ainsi un fait social différent de la consanguinité biologique. La prohibition de l’inceste, pour les consanguins vivant toute leur vie sous le même toit, est renforcée jusqu’à l’interdiction d’évocation sexuelle. Les croyances des Na au sujet de la procréation s’expriment à travers des métaphores enracinées dans leur vie quotidienne ; métaphores qui, comme les mythes et les légendes, sont transmises oralement car les Na n’ont pas de langage écrit. Leur mythe de la genèse se réfère à une déesse descendue du ciel après un déluge pour cohabiter avec le seul homme survivant. La croyance selon laquelle « l’os » de la femme transmet les caractères héréditaires, différencie les Na des Han (l’ethnie chinoise majoritaire) et des Tibétains, pour lesquels l’os vient de l’homme et la chair de la femme. Dans leur logique de représentation du corps, l’enfant provient uniquement de la femme et la mère seule suffit à légitimer la progéniture.
Plusieurs métaphores expriment le concept que le rôle de l’homme dans la procréation est seulement celui d’un « arroseur », le fœtus étant déjà constitué dans le ventre maternel. Les Na disent que « si la pluie ne tombe pas du ciel, l’herbe ne peut pas pousser », et ils expliquent que, dans l’accouplement, le but de la femme est d’avoir des enfants et celui de l’homme est à la fois de s’amuser et de faire acte de bienfaisance vis- à- vis de la femme (et de sa lignée) en l’arrosant. Le mot “père” n’existe pas dans le vocabulaire Na et le géniteur de l’enfant, non seulement n’a pas d’importance mais n’a pas besoin d’être connu. Par conséquent, les hommes n’ont jamais d’enfants issus d’eux- mêmes au sein d’une lignée. L’oncle maternel joue un rôle équivalent à celui du père à l’égard des enfants et les traite de façon équitable, quel que puisse être le géniteur.
Comme il n’y a pas de père dans la société Na, Cai Hua soutient que le complexe d’Œdipe n’est pas universel. Considérons cependant le complexe d’Œdipe tel que Lacan l’a reformulé dans son retour à Freud. Pour commencer, Lacan introduit la notion de Phallus symbolique. Pour lui, l’enfant perçoit que la mère « n’est pas toute » et cherche à comprendre le désir de la mère. Ce double génitif représente la relation où chaque membre de la dyade tend à combler le désir/manque de l’autre.
Toutefois, cette relation complice est brisée par le père qui vient contrecarrer l’aspiration œdipienne. La relation primaire mère- enfant est, certes, primordiale mais, dès le début, c’est une relation à trois qui est en jeu : non seulement la mère et l’enfant, mais le père comme tierce présence — dans le langage de la mère — extérieure à la dyade, prévenant le risque d’une fusion dangereuse. Le renoncement de la part de l’enfant à être la Chose phallique pour la mère est ce que Lacan appelle la Castration. Elle marque la résolution du complexe d’Œdipe.
Ce que l’enfant doit comprendre, c’est que les aspirations maternelles sont elles- mêmes ordonnées par la Loi (Nomos, en grec), appelée par Lacan « le Nom du Père », dans une homophonie entre “nom” et “non” (à l’inceste). Le Nom du Père est représentatif des lois, langage et culture par lesquels une société se maintient. Le père réel tient la place symbolique de cette Loi, il n’est pas identifié avec elle : il est seulement le porte- parole d’un corpus de conventions sociales nommé par Lacan « le grand Autre ».